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Irréalité du service civil

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 2282 27 juin 2025

Moralement, le refus de participer à l’effort militaire et aux sacrifices qu’il exige blesse la solidarité élémentaire qui fonde l’armée de milice et unit en confiance chaque citoyen suisse à tous les autres face à la menace. En ce sens, le moindre soldat, qui effectue son service militaire en pestant continuellement contre l’armée, est plus digne de respect que le civiliste le plus pétri d’idéal.

Socialement, le service civil étend le pouvoir de l’Etat sur le citoyen à l’entier des activités humaines. Il contribue ainsi, au mépris des libertés individuelles, à la mise sur pied d’un système de service universel à l’Etat.

Juridiquement, le service civil est un luxe pour temps de paix, un bricolage aimable que s’autorise une société assez dépourvue d’imagination pour penser que les conflits armés sont définitivement derrière elle.

Dans la pratique, quels que soient les critères d’admission au service civil, le système, étant fondé sur le principe d’égalité, conduit inévitablement au libre choix entre le service militaire et le service civil.

Le 2 février 2025, le Conseil fédéral a publié un «Message concernant la révision de la loi fédérale sur le service civil». Il nous apprend que les demandes d’admission invoquent rarement ce fameux «conflit de conscience» qui avait originellement justifié la création du service civil. Il faut dire que la notion a progressivement passé dans la catégorie psychologique du «ressenti», aussi facile à invoquer qu’impossible à contester. A partir de 2009, on a donc opté pour un critère plus extérieur et plus facilement applicable, celui de la «preuve par l’acte»: en acceptant d’accomplir un service une fois et demie plus long que le militaire, le «civiliste» prouve qu’il n’est pas un égoïste et qu’il est prêt à sacrifier son temps pour la communauté. Mais l’«impôt du sang» ne se remplace pas.

Le Conseil fédéral propose six mesures destinées à réduire d’un tiers le nombre des nouveaux civilistes et à augmenter d’autant celui des combattants. Le projet est d’autant plus nécessaire que le nombre des civilistes augmente d’année en année alors que l’armée manque de soldats. Le nombre des admissions au service civil était de 6088 en 2019 et de 6754 en 2023. Avec les nouvelles dispositions, ce nombre serait limité à 4000 par année. C’est dire que les six mesures du Conseil fédéral ne sont pas écrasantes.

Elles portent sur l’appréciation de la preuve par l’acte, sur la durée des services, sur les conditions auxquelles tant les cadres que les soldats sont admis au service civil. De plus, au vu de certains abus commis dans des hôpitaux, il ne sera plus possible de faire son service civil dans des postes nécessitant d’avoir suivi des études de médecine.

Consulté, l’Etat de Vaud a publié le 5 juin 2024 un communiqué manifestement rédigé par un partisan du service civil. Tout en reconnaissant du bout des lèvres le principe de la défense armée du territoire suisse, il refusait la loi proposée, souhaitant même une plus grande liberté de choix, de façon à garantir le plein accès au service civil. Il contestait aussi l’efficacité du projet quant à l’amélioration du recrutement, invitant plutôt les autorités fédérales à augmenter l’ «attractivité» de l’armée. Proposer à l’armée d’être «attractive», c’est vraiment n’y rien connaître et considérer les choses par le petit bout.

Le 11 juin 2024, la députée Florence Gross déposait une interpellation vigoureusement intitulée «Le Conseil d’Etat vise-t-il à mettre en danger le système de sécurité de notre pays?». Cosignée par trente-huit parlementaires, elle demandait au Gouvernement vaudois de préciser sa position sur la défense nationale. Le 11 septembre, le Conseil d’Etat lui répondait en répétant ce qu’il avait dit dans son communiqué.

Son argument principal était que le service civil offre des prestations indispensables à la collectivité et aux organisations qui y recourent dans les domaines sociaux, sanitaires, environnementaux, culturels, agricoles et de l'instruction publique. L’Etat est devenu «accro» au service civil. C’est une dérive qu’il faut rectifier.

Le 20 juin 2025, le Conseil national a accepté le projet du Conseil fédéral. Le Conseil des Etats doit encore se prononcer, mais sa commission a déjà pris position en faveur du projet.

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