Pourquoi NON aux réseaux de soins?
Répondre par non à la révision de la LAMal du 30.09.2011 sur les réseaux de soins (nouvelle loi fédérale sur les réseaux) est une nécessité. Nous sommes appelés à voter sur ce sujet le 17 juin prochain.
La Nation a consacré à ce thème deux éditoriaux début décembre 2011, dont nous rappelons ici une des conclusions essentielles: soigner la personne humaine ne nécessite pas un «fournisseur de prestations», mais un médecin avec lequel doit s’établir une relation de confiance durable, laquelle justifie le principe du libre choix du médecin par le patient, et du libre choix du traitement par le praticien.
En effet, dans un climat de détérioration du statut de la médecine, il convient de rappeler que toute restriction de l’autonomie des médecins et des patients contribue, sur l’autel de l’obsession de vouloir freiner les coûts de la santé, à saper la relation thérapeutique au sens classique du terme. Il s’agit de fait d’une relation singulière, d’un espace vraiment humain où la personne est protégée dans son intégrité intime, avec accès aux soins thérapeutiques de haute qualité tels qu’on les connaît encore dans ce pays. Avec la diminution du recours aux ecclésiastiques, les cabinets médicaux restent un endroit privilégié pour l’expression de la souffrance humaine et des soins qui peuvent y être prodigués.
Projet de loi
Les médecins travaillent depuis toujours en réseau, un réseau de compétences liant des praticiens qui se connaissent. Ces liens sont naturellement librement consentis et visent au bien du patient.
Or, ce projet porte atteinte aux principes énumérés ci-dessus: il propose en effet un changement complet de paradigme. Le réseau deviendrait le modèle standard de l’assurance obligatoire des soins.
Faire partie du réseau signifierait ni plus ni moins qu’une offre réduite pour ne pas devoir payer davantage qu’actuellement, avec transfert de charge sur les assurés et les médecins: celui qui ne voudrait pas faire partie d’un réseau verrait, dans un premier temps, sa quote-part passer de 10 à 15% avec un maximum de 1000 francs par an (500 dans les réseaux contre 700 aujourd’hui pour tous les assurés). Mais le Conseil fédéral pourrait en tous temps adapter les montants maximaux annuels…
Le libre choix de l’assurance serait entravé puisque des contrats de trois ans pourraient lier le client à l’assureur, sans possibilité de résiliation. Enfin, cerise sur le gâteau, la coresponsabilité budgétaire. Les réseaux assumeraient la responsabilité financière des soins fournis aux assurés selon la mesure contractuelle. Une limite de 3% serait adoptée au début, mais le Conseil fédéral pourrait, de par la loi, déterminer l’étendue de la coresponsabilité budgétaire, donc modifier à la hausse cette limite. En clair, si votre réseau a soigné pendant une année tous ses patients avec un coût moyen inférieur à ce qui était budgétisé, le réseau reçoit un bonus! Dans le cas contraire, il paie… C’est ici le comble de la dérive de ce projet et à visée purement économique: il n’y a pas de limite à la voracité bureaucratique, et ce sans jamais avoir pris l’avis des soignants et des assurés.
Une telle attitude introduirait un poison dans la relation médecin-patient: une perversion au sens propre. En effet, il y aurait tout intérêt à soigner les gens à la légère, avec peu d’examens, car le coût moyen par «cas» resterait bas. Les médecins qui écoutent, prennent davantage de temps, qui cherchent, demandent des avis de spécialistes, et utilisent de fait des moyens techniques complémentaires coûteraient plus cher. Ils seraient dans le collimateur et pénaliseraient l’ensemble du réseau, qui finirait par les rejeter, à moins que la liste des coûts moyens des médecins, établie par les assureurs, ne permette à ceux-ci de les exclure directement. Cette démarche est inacceptable.
Modèle de soins
Ainsi, ce modèle de réseau obligatoire est contaminé par des impératifs économiques et assécurologiques qui mineraient la relation thérapeutique et établiraient l’avènement d’une vraie médecine à deux vitesses, le libre choix devenant conditionné par les capacités financières du patient.
Les assurés seraient captifs du réseau et de l’assurance pour une longue durée, alors que le principe de la coresponsabilité budgétaire est un scandale, un produit de technocrates déconnectés de la réalité, visant un projet managérial dont le but est de soumettre le système de santé à une autorité administrative.
Cela se situerait aux antipodes des éléments constitutifs de la médecine, relation toujours fragile et nécessitant d’être protégée, pratiques complexes, volontiers incertaines comme l’est l’être humain, gestion de l’incertitude, perpétuel changement.
Avenir
Plus largement s’opposent et s’opposeront toujours davantage ces prochaines années deux visions diamétralement opposées de la santé: celle des assureurs (comment échapperons-nous à la caisse unique?), du Parlement et du Conseil fédéral, car ils sont si proches, qui consiste à n’avoir aucune réflexion sérieuse sur les besoins humains, mais de vouloir gérer le système de santé, considérant que la médecine constitue un ensemble d’actes techniques à propos desquels on peut sans cesse appliquer des normes, des valeurs, des points, en fait un service public avec un impôt propre (primes obligatoires) qui doit être entièrement sous le contrôle de l’administration.
L’autre, celle des médecins et des patients, bien conscients du poids de l’humanité nécessitant un cadre de liberté hors de tout carcan étatique, permettant à l’homme, dans une relation de confiance, d’exister dans son besoin fondamental d’être, en tant que tel, reçu, entendu, soigné.
Enfin, il faut se souvenir que les systèmes autoritaires et déconnectés de la réalité du terrain déresponsabilisent les individus et tendent à être plus coûteux, rigides, moins efficaces, moins inventifs et finalement moins sociaux.
Nous voterons non le 17 juin.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Pas de loi sur le suicide! – Editorial, Olivier Delacrétaz
- Ferdinand Lecomte, ou la quête du feu – Jean-Philippe Chenaux
- Exonérations fiscales – Revue de presse, Philippe Ramelet
- Français fédéral – Revue de presse, Philippe Ramelet
- Culotté – Revue de presse, Philippe Ramelet
- Du pouvoir et de l’autorité – Revue de presse, Ernest Jomini
- Habile récupération – Cédric Cossy
- La volonté générale – Alexandre Bonnard
- Rhétorique vert tendre – Les Marches du Pays – Jacques Perrin
- Juvenilia CVIII – Jean-Blaise Rochat
- Dans ma corne d’abondance, qu’y met-on? – Le Coin du Ronchon